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Gratuité et réciprocité : Marcel Hénaff
Jeudi, 12 Novembre 2009 18:17

Marcel HenaffAgrégé et docteur en philosophie, Marcel Hénaff a enseigné à l'université de Copenhague et au Collège international de philosophie à Paris. Il a étudié l'ethnologie à l'université d'Abidjan. Depuis 1988, il est professeur à l'université de Californie à San Diego.

Thème de la conférence :

Gratuité et Réciprocité

Conférence donnée dans le cadre du cycle des conférences du centre culturel du Hâ 32, portant sur : "Echanges, mais à quel prix ?".

Compte-rendu de la conférence :

Alors que nous vivons dans une société dominée par des impératifs de production, où le pouvoir est économique (l'acquisition de richesses donne pouvoir) et technologique, et non plus religieux, M. HENAFF se demande qu'est ce que la gratuité dans ce monde où tout s'achète.
En citant A.SMITH, M. HENAFF explique que le monde est autorégulé par la main invisible. Le don peut alors perturber l'équilibre marchand où les relations sont uniquement contractuelles. Le don, lui est unilatéral. Le marché n'est t-il pas alors plus juste ?
Il faut alors rester dans l'ordre de la justice. Pour ne pas dominer le bénéficiaire, il faut être discret ou que ce soit réciproque sans attendre le retour d'un profit. La réciprocité ressemble alors au contrat... Cela devient confus.
M. HENAFF expose le fait de la gratuité face au problème de la rivalité. 20 siècle de tradition chrétienne nous ont donnée cette habitude : être généreux. Investir, produire, être le meilleur est alors contraire.

Don et gratuité

Dans sa démarche il cite alors Socrate et Platon et se demande en quoi le fait que Socrate n'ait pas été payé en contrepartie de son enseignement prouve qu'il dit la vérité ? Mais gagner sa vie en travaillant ne démontre pas qu'on est menteur ou profiteur.
Paul a dit "quand je vous ai annoncé la présence de Dieu je l'ai fait gratuitement, je ne vous ai rien coûté. Si aucun profit n’a été produit par mon enseignement c’est un signe que j’annonce quelque chose en rapport avec la vérité, il s’agit d’être témoin. »
En quoi l'argent a t-il le pouvoir de détruire cette relation de vérité ? Alors que Paul dit "tout travail mérite salaire". L'argent n'est alors pas forcément le mal absolu.
Les Sophistes, eux, sont des hommes d'argent et de profit, des encyclopédistes qui enseignent un peu tout. Platon a du mépris pour les sophistes, il les traite de marchand de savoirs. Le problème du marchand est qu'il n'a pas fabriqué ce qu'il vend, il ne connaît pas le produit et c'est ce que fait le sophiste. Philosopher est un art de vivre, penser est une transformation de soi.
Selon Aristote l'argent a le pouvoir d'être dangereux. Dans nos relations, les besoins doivent être satisfaits, nous ne pouvons pas consommer les biens de façon illimitée. Les objets nous limitent. Un seul bien peut être accumulé sans que l’on soit à saturation : l'argent (le numéraire). Devant cette menace d’accumulation d’argent, la gratuité est ce qui interrompt cette perversion.  Entre le moment du prêt et le moment où il est rendu, il y a du temps, nous conférons à l'argent un statut d'agent économique qu'il n'a pas.
A contrario, la cité est faite des besoins des uns des autres. La monnaie est le substitut du besoin que nous avons les uns des autres, c'est une mesure commune. Chacun produit une partie de ce dont il a besoin et a besoin des autres pour l’échange.
La monnaie est un moyen de réguler les rapports entre les uns et les autres = instrument de justice.

Don et Réciprocité

On la souvent opposé au don gratuit ; un don réciproque n’est plus un don. Le vrai don doit être gratuit et ne doit pas connaître son receveur.
Le don traditionnel doit être réciproque = geste public de reconnaissance d’un groupe vers un autre.  On ne peut pas réduire les dons à une seule catégorie, on ne peut pas dire que la gratuité est un don de référence.
Il y a plusieurs dons :
-    Don de réciprocité : exemple lorsque l’on est invité, on fait un don en l’invitant en retour ;
-    Don de gratuité ;
-    Don de solidarité, générosité : venir en aide aux autres.

Pour conclure

Il faut peut être repenser la gratuité. Si on cesse de penser à la gratuité en parlant du don :
-    il y aurait la beauté du don réciproque ;
-    et la légitimité et l’utilité de l’échange contractuel.
Il faut cesser de penser la gratuité uniquement par rapport à l’argent. Elle ne génère ni dette, ni manque.
Gratuité vient de gratuitus qui vient de gracia, il faudrait mettre du gracieux dans le gratuit.
La gratuité gracieuse ne génère ni exigence de réciprocité, ne ressent nul poids, nul pression de recevoir. Elle engendre la joie d’avoir reçu.

 

Compte rendu rédigé par : Lucie Bromann, Marine Combeau, Julie Fouquet, Chloé Lozano, Margot Serinet
ECT2 – Promotion 2008-2010.

 

Lecture complémentaire : Le prix de la vérité - Le don, l'argent,  la philosophie – Marcel Hénaff - Editions du  Seuil, 2002
« Ce livre d’une grande richesse trace une histoire culturelle de l’occident sur des questions parmi les plus essentielles auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui. Marcel Hénaff rouvre le dossier du lien social à l’œuvre dans l’échange et ses différentes formes marchandes et non marchandes. Il commence par la querelle qui oppose Platon et les sophistes et particulièrement sur le reproche que ceux ci font payer leur enseignement. Il revient sur l’anthropologie du don, et il montre, dans la tradition de "l’essai sur le don" du sociologue Marcel Mauss, que l’échange de dons n’est pas d’abord un échange de biens, mais une procédure publique de reconnaissance réciproque. Pour autant Marcel Hénaff ne se situe pas dans le mépris de la monnaie. Reprenant les analyses de George Simmel, il souligne au contraire l’apport de l’outil monétaire au développement de la liberté et son lien avec l’idée même de justice.
Mais comment l’exigence de lien social et de reconnaissance interpersonnelle peut il se construire aujourd’hui dans la réalité parfois un peu vite désignée de la réduction du don et de la généralisation du marchand ? Pour Marcel Hénaff, la réponse se joue dans la qualité du lien éthique et politique. »

 

Présentation CPGE

Fiche de présentation de la CPGE Brémontier
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